RESERVE DE LIQUIDATION : EN VOIE VERS DE FUTURS CHANGEMENTS ? - fiduciaire-finacces

RESERVE DE LIQUIDATION : EN VOIE VERS DE FUTURS CHANGEMENTS ?

Dans un climat de pression budgétaire accrue, le nouveau gouvernement fédéral a mis sur la table de possibles modifications du régime VVPR-ter, autrement dit du système des réserves de liquidation instauré voilà près de dix ans.

Petit retour sur ce régime avantageux.

Réserve de liquidation ou VVPR-ter :

  • De quoi s’agit-il ?

Mis en place à la suite de la suppression de l’application du taux réduit de 10% de précompte mobilier sur les bonis de liquidation par le Gouvernement Di Rupo, le régime VVPR-ter concerne les dividendes issus de réserves de liquidation, permettant de profiter d’un précompte mobilier réduit après un délai d’attente, sous conditions. Régime à ne pas confondre avec celui du VVPR-bis (ce dernier s’appliquant aux nouvelles actions nominatives après apport en capital ; pour plus d’informations, voir notre article sur le sujet juste ici).

L’objectif est de permettre aux PME de transformer une partie de leur bénéfice en une réserve fiscalement avantageuse pour une distribution future à un taux réduit de précompte mobilier au lieu des 30% appliqués sur les dividendes ordinaires.

  • Comment ça fonctionne ?

Premier point : la constitution de la réserve

La constitution d’une réserve de liquidation se fait sur base du bénéfice après impôts de l’exercice en cours de clôture moyennant le versement immédiat d’une cotisation distincte de 10% du montant net de la réserve ; cotisation qui sera payée avec l’impôt de l’exercice.

Exemple : La société BX a réalisé au 31/12/2020 un bénéfice après impôts de 35.000,00 €. Lors de l’affectation du résultat, il est décidé d’imputer la totalité du bénéfice à une réserve de liquidation.

  • Réserve de liquidation : 35.000,00 € / 1,10 = 31.818,18 €
  • Cotisation distincte : 818,18 € x 10% = 3.181,82 €

Les 3.181,82 € de cotisation distincte viendront s’ajouter à l’impôt de l’exercice et seront payés en une seule fois.

Pour pouvoir conserver et bénéficier de l’avantage d’un taux réduit à 5% lors de la distribution de la réserve, la somme doit être « bloquée » pour une durée de 5 ans à compter de la fin de l’exercice de sa constitution jusqu’à l’Assemblée Générale qui décide de la distribution.

Dans l’exemple de la société BX, la réserve de liquidation doit rester intouchée jusqu’à l’Assemblée Générale de juin 2026 qui pourra alors décider de distribuer – ou non – l’intégralité de la réserve à partir du bilan clôturé au 31/12/2025.

Second point : la distribution partielle ou totale de la réserve

Il y a trois cas de figure possibles lors d’une distribution partielle ou totale d’une réserve de liquidation.

  • Distribution avant le terme de 5 ans

Dans l’hypothèse d’une distribution partielle ou totale de la réserve de liquidation avant le terme du délai d’attente de 5 ans, la société perd le bénéfice du taux réduit. Le dividende est alors soumis à un taux de 20% afin d’obtenir une taxation totale qui avoisine les 30%, taux appliqué aux dividendes ordinaires.

Reprenons notre exemple : l’Assemblée Générale de la société BX décide, pour les besoins privés de son administrateur, de distribuer la totalité de la réserve de liquidation constituée au 31/12/2020 lors du bilan clôturé au 31/12/2023.

  • Réserve de liquidation : 31.818,18 €
  • Précompte mobilier sur dividende : 31.818,18 € x 20% = 6.363,64 € à payer
  • Dividende net distribué : 31.818,18 € – 6.363,64 € = 25.454,54 €

Cette situation génère un impôt global de 9.545,46 € (3.181,82 € de cotisation distincte + 6.363,64 €) soit un taux d’imposition moyen de 27,27% (9.545,46 € / 35.000,00 €) ce qui reste tout de même moindre que les 30% sur les dividendes ordinaires (35.000,00 € x 30% = 10.500,00 €).

  • Distribution après le terme de 5 ans

Dans l’hypothèse d’une distribution partielle ou totale de la réserve de liquidation au terme du délai d’attente de 5 ans, la société maintient le bénéfice du taux réduit. Le dividende est alors soumis à un taux de 5% afin d’obtenir une taxation totale qui avoisine les 15%, taux également appliqué aux dividendes du régime VVPR-bis.

Reprenons notre exemple : l’Assemblée Générale de la société BX décide de distribuer la totalité de la réserve de liquidation constituée au 31/12/2020 lors du bilan clôturé au 31/12/2026.

  • Réserve de liquidation : 31.818,18 €
  • Précompte mobilier sur dividende : 31.818,18 € x 5% = 1.590,91 € à payer
  • Dividende net distribué : 31.818,18 € – 1.590,91 € = 30.227,27 €

Cette situation génère un impôt global de 4.772,73 € (3.181,82 € de cotisation distincte + 1.590,91 €) soit un taux d’imposition moyen de 13,64% (4.772,73 € / 35.000,00 €) ce qui reste également plus intéressant que les dividendes soumis au régime du VVPR-bis (35.000,00 € x 15% = 5.250,00 €).

  • Distribution lors de la liquidation

Dans ce cas précis, les réserves de liquidation quelle que soit leur date de constitution sont distribuées sans prélèvement de précompte mobilier ; elles sont donc nettes d’impôt.

 VVPR-ter, ce qui pourrait bientôt changer

Les éventuelles modifications se porteraient sur deux éléments clés.

Premièrement, une augmentation du taux du précompte mobilier lors d’une distribution partielle ou totale qui passerait de 5% à 6,5% ; ce qui donnerait une taxation totale de 15% des sommes placées en réserve de liquidation au lieu des 13,64% actuellement. Dans ce cas, le régime VVPR-ter s’alignerait donc sur celui du VVPR-bis.

Deuxièmement, une réduction du délai d’attente avant distribution qui passerait de 5 ans à 3 ans.

Ces modifications pourraient être appliquées aux réserves de liquidation constituées à partir du 1er janvier 2026.

Reprenons notre exemple : la société BX a réalisé au 31/12/2026 un bénéfice après impôts de 35.000,00 €. Lors de l’affectation du résultat, il est décidé d’imputer la totalité du bénéfice à une réserve de liquidation.

  • Réserve de liquidation : 35.000,00 € / 1,10 = 31.818,18 €
  • Cotisation distincte : 818,18 € x 10% = 3.181,82 €

Les 3.181,82 € de cotisation distincte viendront s’ajouter à l’impôt de l’exercice et seront payés en une seule fois.

En juin 2030, l’Assemblée Générale de la société BX décide de distribuer la totalité de la réserve de liquidation constituée au 31/12/2026 lors du bilan clôturé au 31/12/2029 (délai de 3 ans).

  • Réserve de liquidation : 31.818,18 €
  • Précompte mobilier sur dividende : 31.818,18 € x 6,5% = 2.068,18 € à payer
  • Dividende net distribué : 31.818,18 € – 2.068,18 € = 29.750,00 €

Cette situation génère un impôt global de 5.250,00 € (3.181,82 € de cotisation distincte + 2.068,18 €) soit un taux d’imposition moyen de 15% (5.250,00 € / 35.000,00 €) ce qui confirme bien l’alignement possible du régime du VVPR-ter à celui du VVP-Bis (35.000,00 € x 15% = 5.250,00 €).

En cas de distribution partielle ou totale avant la fin du délai d’attente de 3 ans, le taux de 20% reste d’application ; pas de changement sur ce point.

Petit point d’attention

Une règle « optionnelle » serait également envisagée à partir du 1er juillet 2025 pour les réserves de liquidation déjà constituées. Si elles sont détenues depuis au moins 3 ans à cette date, elles pourront être distribuées au taux de 6,5% ou pourront attendre le délai de 5 ans afin d’encore bénéficier du taux de 5%.

Les nouvelles réserves constituées à partir du 1er janvier 2026 seront toujours soumises au taux de 6,5%, quel que soit le délai de conservation après les 3 ans.

Il est à noter également qu’en ce qui concerne le régime VVPR-bis, le taux de 20% sur les dividendes alloués ou attribués lors de la répartition bénéficiaire du 2e exercice comptable devrait être supprimé et remplacé par le taux de 30% afin que ne bénéficient d’un taux réduit que les réserves conservées pendant au moins 3 ans, comme dans le régime VVPR-ter.

N’y a-t-il, dès lors, plus de différences entre le régime VVPR-Bis et le régime des réserves de liquidation ?

Vous aurez remarqué que dans le cas de la réserve de liquidation, vous devez payer anticipativement 10 % d’impôts supplémentaires. Alors, pourquoi privilégier tout de même la réserve de liquidation si les deux régimes se sont alignés ?

Le premier avantage intervient en cas de liquidation de la société. En effet, lors de celle-ci, le boni de liquidation n’est plus imposé (après l’impôt anticipatif de 10 %), alors que lorsque des réserves de liquidation n’ont pas été constituées, le boni est taxable à 30 %.

Le deuxième avantage intervient en cas de cession des actions de la société. En effet, le régime VVPR-bis dont peuvent bénéficier les actionnaires d’une société n’est pas transposable aux acheteurs des actions d’une telle société (la condition de détention de façon ininterrompue depuis l’apport, n’étant plus respecté).

De plus, il n’est pas toujours possible de bénéficier du régime VVPR-bis (apports effectués avant le 1er juillet 2013, par exemple).

Conclusion

Le régime VVPR-ter s’est imposé depuis près d’une décennie comme un levier fiscal efficace pour les PME souhaitant différer la taxation de leurs bénéfices sous une forme allégée. En contrepartie d’une cotisation distincte de 10% et du respect d’un délai de blocage de cinq ans, ce mécanisme permet une distribution future à un taux de précompte réduit, ramenant l’imposition globale à environ 13,64 %, contre 30 % en régime ordinaire. Ce différentiel justifie pleinement, d’un point de vue économique, le recours à cette planification.

Néanmoins, les pistes de réforme aujourd’hui envisagées — relèvement du taux de précompte à 6,5 % et réduction du délai de blocage à trois ans — amorcent un réalignement du régime VVPR-ter sur celui du VVPR-bis. Si cette évolution peut être perçue comme une simplification ou une harmonisation du traitement fiscal des dividendes différés, elle remet également en question l’avantage différentiel qui justifiait la constitution de réserves de liquidation distinctes affectant ainsi la planification financière de nombreuses entreprises.

Les sociétés concernées ont donc tout intérêt à anticiper ces évolutions potentielles et à évaluer, dès à présent, les opportunités d’optimisation encore offertes par le cadre actuel. Une bonne gestion fiscale passe, plus que jamais, par une veille réglementaire attentive et une stratégie proactive.

Sources

Date de publication : 30/06/2025