Auparavant, la fiscalité automobile était relativement simple. Tous les frais étaient déductibles à 75 % (excepté les intérêts financement et les frais de mobilophone qui restaient déductibles à 100 %), que ce soit en personne physique ou en société et les avantages en nature de la voiture de société étaient calculés sur base de 5.000 kms ou 7.500 kms d’utilisation privée.
Mais depuis quelques années, les règles n’arrêtent pas de changer et de se complexifier, de manière telle que le quidam n’arrive plus à s’y retrouver.
On a introduit dans les calculs les notions de taux de CO² (avec plusieurs normes), de valeur catalogue, de vrais ou de faux hybrides, de dégressivité en fonction de la vétusté, de type de carburant, de clause de sauvegarde, etc, etc…
Le but avoué des gouvernements successifs est de rendre plus vert le parc automobile belge, mais ont-ils réussis à atteindre leur cible ? Rien n’est moins sûr, car dans certains cas, l’achat d’un véhicule plus écologique pourrait être découragé, selon les dernières règles en vigueur applicables depuis le 1er janvier 2020.
Le but de cet article n’est pas d’expliquer les calculs complexes pour déterminer les avantages en nature ou le taux de déduction professionnelle des voitures, mais de voir avec quelques exemples les effets pervers de la dernière législation en la matière.
Alain possède un véhicule diesel polluant qui émet 196 g de CO²/km. Celui-ci était déductible à 50 % jusqu’au 31.12.2019, mais il souhaitait rouler avec ce véhicule et il en acceptait les conséquences fiscales. Depuis le 01.01.2020, il est déductible à…..50 %. Eh oui ! Alain n’a donc pas envie de changer de véhicule, étant donné qu’il n’est pas pénalisé pour son comportement pollueur.
Le voisin d’Alain a déjà fait un effort écologique en achetant un véhicule diesel qui n’émet que 105 g de CO²/km, mais moins confortable que celui qu’il souhaitait. Jusqu’au 31.12.2019, ce véhicule était déductible à 90 % et c’est même pour cette raison qu’il avait choisi cette voiture. Au 01.01.2020, la punition tombe et le taux de déductibilité passe à 67,5 %. Il est donc un mauvais élève (mais pas son voisin) ! Quitte à perdre encore un peu de déduction, il se dirige donc vers une voiture plus confortable, la même que son voisin.
Imaginons que j’exerce mon activité en société et j’ai acheté un véhicule hybride essence-électrique en 2018. Celui-ci a couté 60.000 € à ma société et il émet 60 g de CO²/km. Je profite d’une déduction fiscale à 100 % et d’un avantage en nature intéressant de +/- 2.000 € par an jusqu’au 31.12.2019. Au 1er janvier 2020, j’apprends que mon véhicule est considéré comme un faux hybride et je dois me baser sur le véhicule à essence similaire de la même marque et du même modèle pour calculer le taux de déduction et l’avantage en nature. Le véhicule à essence correspondant émet 140 g de CO² par km. Ma voiture n’est donc plus déductible qu’à 53,5 % et je suis imposé sur un avantage en nature de 4.320 € (avant correction pour vétusté). Pourquoi une telle punition ? Je pensais pourtant avoir fait un geste de citoyen responsable en achetant cette voiture. Puisque les déductions se réduisent à peau de chagrin, j’ai envie de me faire plaisir en achetant en privé la Ford Mustang que je rêve depuis tant d’années qui émet plus de 200 g de CO²/km et en revendant mon hybride.
Isabelle a envie de s’acheter, par l’intermédiaire de sa société, une Range Rover Sport. Elle se dirige vers la version hydride afin de ne pas trop polluer, d’éviter un avantage en nature trop important et de pouvoir déduire le maximum fiscalement. Elle demande conseil à son expert-comptable qui lui signale que le véhicule convoité émet 69 g de CO²/km, qu’il est donc considéré comme un faux hydride et qu’il faut alors appliquer la fiscalité du véhicule essence correspondant qui émet 209 g de CO²/km. Plutôt que d’avoir une déduction à 100 %, le taux retombe à 40 %. Au niveau de l’ATN, il passe de +/- 3.000 € par an à +/- 13.000 € par an !
Isabelle remercie alors son expert-comptable pour les bons renseignements donnés et se dit alors que la version hybride étant plus chère, elle va plutôt acheter la version essence à 209 g de CO² puisqu’elle n’aura de toute façon pas d’avantages fiscaux supplémentaires en choisissant le modèle hybride.
Le mari d’Isabelle est indépendant en personne physique. Il a acheté une voiture en 2017 qui émet 190 g de CO² et qu’il utilise pour sa profession à concurrence de 90 %. Compte tenu de la clause de sauvegarde, il peut déduire fiscalement les frais de sa voiture à hauteur de 90 % x 75 %, et ce, jusqu’à ce qu’il décide de changer de voiture. En 2020, il se dit que sa voiture pollue tout de même beaucoup et veut alors acheter une nouvelle essence n’émettant plus que 130 g de CO². Son expert-comptable (le même que son épouse) lui signale qu’avec ce nouveau véhicule, il perd la clause de sauvegarde et ne pourra plus déduire ses frais de voiture qu’à concurrence de 90 % x 58,25 %. Il décide alors de garder son ancienne voiture plus polluante.
Ces exemples, qui sont parfois poussés à l’extrême, mais qui pourraient tout à fait correspondre à la réalité, montrent que la fiscalité des voitures étant devenu tellement complexe et peu cohérente, il est important de réfléchir deux fois plutôt qu’une avant d’envisager un achat. Et même si vous achetez une voiture maintenant, qui vous parait avantageuse fiscalement et écologiquement, il se pourrait qu’elle ne le soit plus à l’avenir. On parle en effet, entre autres de se baser, dans un futur proche, sur les taux de CO² de la norme WLTP, qui sont bien plus élevés que ceux de la norme NEDC, pour calculer les avantages en nature et le taux de déduction. De même, on entend dire qu’il ne pourrait plus y avoir que des voitures de sociétés zéro émissions à partir de 2025. Bref de nombreuses incertitudes qui refroidissent les indépendants et dirigeants de société à acheter une nouvelle voiture.
Le gouvernement qui souhaitait encourager l’achat de véhicules plus propres a donc manqué sa cible, à moins que le but, finalement, fût ailleurs…
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