Le CAR SHARING - fiduciaire-finacces

Le CAR SHARING

Les réformes fiscales successives ont transformé la fiscalité automobile en un véritable casse-tête, avec des règles de plus en plus complexes. Si vous avez déjà eu à vous y confronter, vous savez à quel point il peut être difficile de s’y retrouver (pour plus de détails, consultez nos articles précédents sur les frais déductibles et les dépenses non admises, la taxe de mise en circulation, ou encore les voitures hybrides). Mais face à cette jungle fiscale, à une époque où la consommation basée sur l’usage augmente et celle basée sur la détention diminue, une alternative de plus en plus populaire semble se dessiner : le CAR SHARING. Cette pratique, qui permet de partager une voiture à la demande, est-elle vraiment la solution miracle pour contourner les règles fiscales ? Peut-on réellement éviter toutes les contraintes fiscales en optant pour le CAR SHARING ? Décortiquons ensemble cette tendance pour mieux comprendre ses avantages… et ses limites.

En bref
Le CARSHARING peut permettre d’éviter l’imposition sur l’usage privé d’un véhicule (ATN), mais à condition de remplir plusieurs conditions strictes (facturation distincte, usage bien documenté, etc.). Dans la majorité des cas, le jeu n’en vaut pas la chandelle.

 

 

 

 

L’impact fiscal et social lié à l’utilisation d’un véhicule

Acquérir un véhicule a des conséquences sur le plan fiscal et social, que ce soit en termes d’impôts sur le revenu, de TVA, de cotisations sociales et même dans certains cas, en termes de précompte mobilier !

Par exemple, lorsqu’une société achète un véhicule, une partie des frais peut être déduite, ce qui réduit l’impôt des sociétés. En revanche, l’utilisateur devra déclarer un avantage de toute nature (ATN) soumis à l’impôt et aux cotisations sociales. En outre, si la société est assujettie TVA, elle pourra déduire partiellement la TVA du véhicule.

L’impact fiscal et social lié à l’utilisation d’un véhicule est essentiellement provoqué par les règles générales de la fiscalité automobile, à savoir :

  • Les frais professionnels sont déductibles selon les règles habituelles (type de motorisation, carburant, date d’achat – par le prestataire).
  • Seuls les frais professionnels sont déductibles ; les frais privés doivent être remboursés. À défaut, l’utilisation privée sans compensation est considérée comme un avantage en nature (ATN) valorisé forfaitairement, en fonction du nombre de jours de possession du véhicule sur une base de 365 jours par an, et imposable dans le chef de l’utilisateur.

En résumé, l’impact fiscal et social global correspond au surcoût (ou au gain) qu’implique l’utilisation d’un véhicule par rapport à une société qui n’en aurait pas.

Qu’est-ce que le CAR SHARING ?

Il s’agit d’un système de location partagée, dans lequel plusieurs usagers utilisent successivement un même véhicule. Vous ne louez la voiture que lorsque vous en avez besoin. En dehors de ces périodes, d’autres peuvent l’utiliser.

Appliqué à l’usage d’une voiture par une société, cela permettrait à cette dernière de prendre en location le véhicule pour les trajets professionnels, et l’utilisateur (en personne physique) pour les trajets privés. Le propriétaire du véhicule, bailleur, émettra des factures distinctes en fonction de l’usage déclaré.

Quel est l’intérêt du CAR SHARING ?

En facturant séparément les frais privés (à l’utilisateur) et les frais professionnels (à la société), on peut éviter la taxation d’un avantage de toute nature (ATN).

Toutefois, l’achat de certains véhicules, notamment thermiques, coûteux et polluants, entraîne souvent un surcoût fiscal par rapport à une société sans véhicule, tandis que des véhicules 100 % électriques peuvent générer des économies d’impôt.

Par exemple, une Porsche 911 essence (160.000 €, 205 g/km CO₂) coûte à la société 21.814,91 € de plus, en fiscalité et charges sociales, qu’une absence de véhicule. Ce type de véhicule ne sera jamais fiscalement avantageux, mais le CAR SHARING peut limiter cet impact.

À partir du 1er janvier 2028, ce désavantage s’accentuera, les véhicules thermiques devenant non déductibles.

En résumé, l’intérêt du CAR SHARING dépendra toujours du coût fiscal global comparé à celui d’une taxation via un ATN classique.

Les contraintes administratives

Maintenant que nous avons une idée claire du fonctionnement du CAR SHARING et de son intérêt, examinons les contraintes administratives auxquelles il faut se conformer pour éviter les désagréments d’une rectification fiscale !

  • Suivi administratif rigoureux des trajets

Dans un premier temps, afin de justifier une facturation séparée des frais privés et professionnels, un suivi rigoureux des trajets est impératif.

Vous devrez notamment consigner pour chaque trajet :

    • La date du déplacement,
    • Les lieux de départ et d’arrivée,
    • Le kilométrage de départ et d’arrivée,
    • Le motif du déplacement.

Exemple : Bruxelles → Anvers, Départ : 10 000 km → Arrivée : 10 050 km → 50 km pour une réunion client.

Vous pouvez utiliser un tableau ou un carnet de bord papier/numérique, mis à jour en temps réel.

Certains dispositifs électroniques, permettant d’automatiser une partie du suivi, existent. Toutefois, ce type de système est parfois remis en question par l’administration.

Il est donc essentiel que la répartition d’utilisation soit fidèle à la réalité et que les justificatifs soient conservés avec soin.

  • Une facturation distincte de l’usage privé

Sur base des informations déclarées conformément au point précédent, le propriétaire du véhicule sera en mesure d’établir une facturation distincte de l’usage privé. Ce document est la base de la preuve, mais l’administration pourra toujours demander des précisions et éventuellement remettre en question les informations, en fonction du dispositif mis en place pour valoriser les frais privés liés à l’usage du véhicule (voir supra).

  • Paiement des frais privés par l’utilisateur

Comme déjà mentionné, afin de pouvoir éviter la taxation d’un ATN, il est impératif que les frais liés à l’usage privé du véhicule soient facturés et payés par l’utilisateur, ou, à défaut, que ce dernier ne les rembourse (avec d’éventuels intérêts).

Que faire si l’administration fiscale rectifie et taxe un ATN calculé sur base forfaitaire, selon la formule légale ?

Dans ce cas, il est toujours possible de demander la rectification de la déclaration fiscale de la société, sur pied de l’article 49 du CIR92, afin de faire valoir la déduction de la totalité des frais du véhicule (y compris les frais privés).

Ce système est-il vraiment avantageux ?

L’avantage de ce système dépend de deux éléments clés :

  • Le coût fiscal lié à l’usage privé du véhicule (appelé « avantage de toute nature » ou ATN).

Concrètement, plus l’ATN est élevé — c’est souvent le cas pour les véhicules puissants ou polluants — plus le CARSHARING peut devenir intéressant, car il vous permet d’éviter la taxation d’un ATN.

  • Le montant total d’impôts que vous devrez payer selon que vous utilisiez ou non le CAR SHARING.

Si le CAR SHARING entraîne malgré tout une charge fiscale plus élevée que celle liée à la taxation d’un ATN, il peut être préférable d’éviter ce système. Ce choix dépendra principalement de la proportion de trajets professionnels.

En résumé, plus l’ATN du véhicule valorisé selon la formule légale est élevé, et plus l’usage privé du véhicule est faible, plus le CAR SHARING a des chances d’être intéressant.

Pour illustrer cela de manière concrète, prenons quelques exemples qui permettront de mieux saisir les enjeux abordés.

Exemples concrets

Exemple 1 : véhicule thermique cher et polluant

Véhicule Porsche 911 CARSHARING vs ATN classique
Valeur catalogue 160.000,00 € La société dépose des déclarations TVA La société ne dépose pas de déclarations TVA
Moteur Essence Le CARSHARING entraine une économie d’impôt de 1.676,44 € Le CARSHARING entrainera une augmentation d’impôt de 4.956,50 €
Émission CO2 205 g/km
Km annuel 20.000,00
Utilisation professionnelle 25%
Période envisagée 2025 à 2028
  • À partir de 35% d’utilisation professionnelle, le CAR SHARING sera plus intéressant que la taxation classique, quel que soit le statut TVA de la société.

Exemple 2 : véhicule thermique commun

Véhicule BMW 320i CARSHARING vs ATN classique
Valeur catalogue 47.675,00 € La société dépose des déclarations TVA La société ne dépose pas de déclarations TVA
Moteur Essence Le CARSHARING augmente l’impôt de 8.565,79 € Le CARSHARING entraine une augmentation d’impôt de 6.108,67 €
Émission CO2 130 g/km
Km annuel 20.000,00
Utilisation professionnelle 25%
Période envisagée 2025 à 2028
  • À partir de 65% d’utilisation professionnelle, le CAR SHARING sera plus intéressant que la taxation classique, quel que soit le statut TVA de la société.

Exemple 3 : véhicule hybride rechargeable

Véhicule BMW330e CARSHARING vs ATN classique
Valeur catalogue 55.200,00 € La société dépose des déclarations TVA La société ne dépose pas de déclarations TVA
Moteur Hybride-essence Le CARSHARING entraine une augmentation d’impôt de 14.782,04 € Le CARSHARING entraine une augmentation d’impôt de

12.478,38 €

Émission CO2 22 g/km
Km annuel 20.000,00
Utilisation professionnelle 25%
Période envisagée 2025 à 2028
  • À partir de 85% d’utilisation professionnelle, le CAR SHARING sera plus intéressant que la taxation classique, quel que soit le statut TVA de la société.

Exemple 4 : véhicule full électrique

Véhicule BMW I4 CARSHARING vs ATN classique
Valeur catalogue 64.200,00 € La société dépose des déclarations TVA La société ne dépose pas de déclarations TVA
Moteur Full électrique Le CARSHARING entraine une augmentation d’impôt de 18.751,80 € Le CARSHARING entraine une augmentation d’impôt de 16.816,52 €
Émission CO2 0 g/km
Km annuel 20.000,00
Utilisation professionnelle 25%
Période envisagée 2025 à 2028
  • À partir de 85% d’utilisation professionnelle, le CAR SHARING sera plus intéressant que la taxation classique, quel que soit le statut TVA de la société.

Conclusion

Le CAR SHARING n’est pas une solution miracle pour échapper à la fiscalité automobile. Il permet, dans certains cas bien ciblés, de mieux contrôler la taxation liée à l’usage privé d’un véhicule — notamment lorsque l’ATN est très élevé et/ou lorsque l’usage privé est assez faible.

Cependant, il faut garder à l’esprit que :

  • La possession d’un véhicule thermique ou hybride plug-in engendre presque toujours une augmentation du coût fiscal et social, surtout à partir 2028 lorsque leurs frais ne seront plus du tout déductibles.
  • Le CAR SHARING permet d’éviter l’ATN, mais souvent au prix d’une surcharge administrative significative (suivi détaillé, facturation, paiement privé…) qui n’est pas toujours justifié par les économies réalisées.

En résumé : le CAR SHARING est un levier d’optimisation utile dans des cas bien précis, mais dans la majorité des situations, il impose une lourdeur administrative disproportionnée par rapport aux gains obtenus.

 

Date de publication : 30/06/2025