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Lanceur d’alerte II :  Mesures, Conditions et sanctions !

Nous vivons actuellement dans un monde de réglementations, de droits et de libertés, mais aussi d’obligations. Il arrive fréquemment que certains les ignorent, volontairement ou non. Ce genre d’agissements peut, suivant les cas, nuire gravement à l’intérêt public et au bien-être de la société.

Certaines personnes, indignées, vont alors tenter de l’empêcher, quitte à en subir les conséquences. Plusieurs réglementations spécifiques avec pour objectif de protéger ces personnes appelées « les lanceurs d’alertes » ont émergé à travers les différents États membres de l’Union, créant des régimes de protection parfois très disparates et inégaux à travers l’Union européenne.

Le législateur européen a donc décidé d’offrir à ces gens un régime de protection minimale uniforme partout en Europe.

Quelles sont les Mesures de Protection ?

Les premières mesures de protection mentionnent l’interdiction de représailles sous toutes ses formes, alors de la suspension, mise à pied ou licenciement au préjudice, y compris les atteintes à la réputation e la personne, mise sur liste noire, annulation de licence ou de permis, orientation vers un traitement psychiatrique ou médical en passant par le harcèlement, l’intimidation, etc.

La loi parle également de mesures de soutiens qui consistent à fournir gratuitement des conseils et informations sur la procédure, une assistance juridique, etc.

Si vous vous estimez victime ou menacée de représailles, vous pouvez adresser une plaine motivée au coordinateur fédéral qui engagera une procédure de protection. Dans un tel cas, ça sera à l’entité juridique du secteur privée de prouver qu’elle n’a pas menacée ou tentée de commettre des mesures de représailles à l’encontre de l’auteur du signalement. Autrement dit, le dirigeant devra apporter la preuve que la mesure défavorable prise à l’encontre de l’auteur n’est pas liée à son signalement (=inversement de la charge de la preuve). En cas de soupçon raisonnable, le coordinateur pour recommander au dirigeant d’annuler la mesure défavorable qu’il a prise à l’encontre de l’auteur du signalement.

La mesure de protection suivante concerne l’obligation pour les autorités compétentes de veiller à la protection de l’identité des personnes concernées aussi longtemps que les enquêtes déclenchées par le signalement sont en cours.

Ces mesures sont tant applicables à l’égard de l’auteur du signalement qu’à l’égard de tout facilitateur.

Quelles sont les conditions à respecter pour bénéficier de la protection ?

Si vous comptez dénoncer une violation d’une législation relative à l’une des matières concernées et que vous avez obtenu les informations dans un contexte professionnel, vous devrez en outre respecter quelques conditions.

Pour les auteurs de signalements

Le premier critère retenu comme condition de protection est celui de la croyance raisonnable !

Selon la jurisprudence européenne, un acte motivé par un grief ou une animosité ou encore la perspective d’un gain futur ne justifiait pas un niveau de protection élevé.

Cependant, le législateur ne l’a pas vu de cet œil. Selon lui, ce n’est pas tant la motivation du lanceur d’alertes que la pertinence et l’intérêt de l’information qui importe.

C’est pourquoi le critère de motivation a été exclu au profit du critère de croyance raisonnable.

Ce qui signifie que le lanceur d’alerte doit avoir des « motifs raisonnables de croire que les informations signalées sur les violations étaient véridiques au moment du signalement ».

Bien entendu, il faut apprécier cet élément au regard d’une personne placée dans une situation similaire et disposant de connaissance comparable au moment du signalement effectué de bonne foi, peu importe si par la suite, il s’est avéré inexact ou infondé.

C’est particulièrement important pour certaines matières qui peuvent se montrer très complexes, tant les personnes non initiées que pour les experts (exemple : les matières fiscales)

Le second critère est celui du respect de la procédure prévues (troisième article)

Pour les signalements anonymes

Le législateur Européen a laissé le choix aux État membres d’imposer le suivi des signalements anonymes ou non. En Belgique, les entreprises du secteur privé et les autorités doivent accepter les signalements anonymes de violation et en assurer le suivi, à moins qu’ils ne comptent moins de 250 travailleurs, en raison des coûts que la mise en place d’un système de signalement anonyme peut générer.

En tout état de cause, la protection sera d’office accordée, quelle que soit la taille de l’entreprise, aux lanceurs d’alertes anonymes dont l’identité serait dévoilée par la suite. Le projet de loi précise également qu’il faut éviter autant que possible l’anonymat afin de permettre la vérification des allégations portées et remédier à la violation signalée.

La protection prévue pour les lanceurs d’alertes sera accordée aux conditions prévues, sans préjudice de l’éventuelle protection des témoins menacés accordée par l’article 102 du code d‘instruction criminelle, si celle-ci est plus favorable.

Pour les facilitateurs et tiers en lien avec les auteurs de signalement

La directive ne précisant pas si la protection des facilitateurs et des tiers en lien avec les auteurs de signalement est liée à la reconnaissance du statut d’auteur de signalement, cela génère une certaine insécurité juridique.

C’est pourquoi les facilitateurs (& Co) pourront bénéficier de la protection dès lors qu’ils ont des motifs raisonnables de croire que le lanceur d’alerte qu’ils ont aidé tombait dans le champ de protection de la loi.

Quelles sont les sanctions encourues ?

Quelle que soit l’obligation (faire, ne pas faire, donner), quelles que soient les mesures prises, celles-ci ne seront efficaces que si elles sont associées à des sanctions suffisamment adaptées à la gravité de l’acte commis.

Avant toute de chose, il est important de signaler que les auteurs de signalement n’encourent aucune sanction civile, pénale ou disciplinaire ou même professionnelle du fait de leur signalement, sauf si l’obtention des informations liées aux signalements constitue, en elle-même, une infraction pénale.

Sur le plan civil

En cas de représailles subies, les personnes protégées pourront demander une indemnité pour dommages et intérêts équivalant à un salaire de minimum 18 et maximum 26 semaines.

S’il n’y a pas de salaire, l’indemnité sera déterminée en fonction du préjudice réellement subi. Dans ce cas, ça sera à la victime d’apporter la preuve de la valeur du préjudice subi.

Cette indemnité n’est pas cumulable avec l’indemnité obtenue en compensation d’un licenciement manifestement déraisonnable.

Sur le plan pénal

Concernant les sanctions, toute infraction recherchée et constatée sera sanctionnée conformément au Code pénal social.

Concernant les sanctions en la matière, les personnes qui ont entravé ou tenté d’entraver un signalement, exercé des représailles à l’encontre d’une personne protégée, intenté des procédures abusives contre les personnes ou ont manquer à l’obligation de préserver la confidentialité de la personne auteurs de signalement seront punis d’un emprisonnement de 6 mois à 3 ans et d’une amende de 600 à 6000 €

Attention aux fausses accusations !

Le système prévoit des conditions d’applications spécifiques (voir deuxième article) de sorte que toute personne qui porterait de fausses accusations dans le but de nuire serait passible de poursuites pénales et civiles

En tout état cause, les personnes qui ont sciemment signalé ou divulgué publiquement de fausses informations seront punies :

  • D’un emprisonnement de 8 jours à 1 an et d’une amende de 26 à 200 € si le signalement a été fait publiquement.
  • D’un emprisonnement de 15 jours à 6 mois et d’une amende de 50 à 1000 € en cas de signalement fait par écrit aux autorités ou à un dirigeant à l’encontre de son subordonné.

Afin d’être complet sur ce point, nous dirons que la directive intègre les principes de protection établis par la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt « Guja », dans lequel, elle a utilisé le droit à la liberté d’expression de l’article 10 CEDH pour offrir une protection aux lanceurs d’alertes.

Sur base du principe de proportionnalité, la Cour a déterminé une série de facteurs visant à déterminer si une personne est ou non un lanceur d’alerte en droit de bénéficier d’une protection. Au final, il s’agissait, notamment, d’examiner si l’ingérence était nécessaire dans une société démocratique.

Conclusion :

Dans ce deuxième article, nous avons continué notre voyage à travers le régime de protection des « lanceurs d’alertes » uniformisé au niveau européen. Ce régime accorde une protection minimale de sorte que chaque État peut prévoir des régimes plus favorables.

Après avoir lu cet article, vous en savez plus sur les mesures de protections, les conditions à respecter pour en bénéficier, et les sanctions applicables en cas de violation de ces mesures.

Dans le prochain et dernier article, nous terminerons en expliquant les procédures à mettre en place et à suivre dans le cadre de ce régime.

Bases légales

Le législateur Européen a instauré cette protection des lanceurs d’alertes via une directive adoptée le 23 octobre 2019 : la directive UE 2019/1937 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union).

Ensuite, l’Etat belge a transposé cette directive via la loi du 28 novembre 2022 sur la protection des personnes qui signalent des violations au droit de l’Union ou au droit national constatées au sein d’une entité juridique du secteur privé.