Actualités

Le droit à la déconnexionavril 21, 2023
Lanceur d’alerte II :  Mesures, Conditions et sanctions !mai 12, 2023

Lanceur d’alerte I : Présentation des acteurs et de la scène légale !

Nous vivons actuellement dans un monde de réglementations, de droits et de libertés, mais aussi d’obligations. Il arrive fréquemment que certains les ignorent, volontairement ou non. Ce genre d’agissements peut, suivant les cas, nuire gravement à l’intérêt public et au bien-être de la société.

Certaines personnes, indignées, vont alors tenter de l’empêcher, quitte à en subir les conséquences. Plusieurs règlementations spécifiques avec pour objectif de protéger ces personnes appelées « les lanceurs d’alertes » ont émergé à travers les différents États membres de l’Union, créant des régimes de protection parfois très disparates et inégaux à travers l’Union européenne.

Le législateur européen a donc décidé d’offrir à ces gens un régime de protection minimale uniforme partout en Europe.

Quels sont les acteurs définis par la loi ?

Outre tous les acteurs économiques courants, la loi nomme et définit trois termes désignant les différents acteurs d’un signalement réalisé par un lanceur d’alerte.

D’abord, l’acteur principal, le lanceur d’alerte est nommé « l’auteur de signalement » et est défini comme « Une personne qui signale ou divulgue publiquement des informations sur des violations »

Le second rôle principal est nommé comme « la personne concernée » et est défini comme « Une personne physique ou morale qui est mentionnée dans le signalement ou la divulgation publique en tant que personne à laquelle la violation est attribuée ou à laquelle cette personne est associée ».

Enfin, la loi mentionne encore un autre acteur, pas toujours présent, mais qui peut s’avérer, dans certain cas, primordiale, à savoir « le facilitateur et le tiers en lien avec les auteurs de signalement ». Il s’agit d’« Une personne physique qui aide un auteur de signalement au cours du processus de signalement et dont l’aide devrait être confidentielle ».

Quel est le champ d’application de la loi ?

Pour continuer dans notre métaphore cinématographique, la loi va imposer des limites, des frontières à la scène sur laquelle se joue l’action !

La première frontière : une limite matérielle

La loi établit une liste limitée de matières juridiques. La protection des auteurs de signalement ne sera accordée que dans les cas de violation de ces matières.

Listes des matières juridiques :

  • Marché public
  • Services, produits et marchés financiers et prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme
  • Sécurité et conformité des produits;
  • Sécurité des transports;
  • Protection de l’environnement;
  • Radioprotection et sûreté nucléaire;
  • Sécurité des aliments destinés à l’alimentation humaine et animale, santé et bien-être des animaux;
  • Santé publique;
  • Protection des consommateurs;
  • Protection de la vie privée et des données à caractère personnel, et sécurité des réseaux et des systèmes d’information;
  • Lutte contre la fraude fiscale;
  • Lutte contre la fraude sociale.
  • Atteintes aux intérêts financiers de l’Union visée à l’article 325 TFUE
  • Les règles en matière de marché intérieur visé à l’article 26 TFUE

La législation précise également certaines matières qui sont exclues pour la simple et bonne raison qu’elles bénéficient déjà d’une protection via d’autres législations européennes :

  • La sécurité nationale (sauf les signalements de violations des règles relatives aux marchés publics dans les domaines de la défense et de la sécurité)
  • Aux informations classifiées
  • Aux informations couvertes par le secret médical ou le secret des avocats en application des droits de la défense.
  • Aux informations couvertes par le secret des délibérations judiciaires.

N.B. :

  • La protection s’applique aux dénonciations de toute violation des dispositions légales ou réglementaires ou des dispositions européennes directement applicables, ainsi que les dispositions prises en exécution des celles-ci
  • Les protections déjà applicables en vertu de certaines lois préexistantes restent applicables, sauf si elles sont moins favorables que les nouvelles mesures.
  • Certaines personnes, dont les professionnels du chiffre, sont soumises au secret professionnel de l’article 458 du Code pénal. Cependant, parmi les exceptions figurent les cas où la loi permet de lever le secret professionnel. Cette loi en est le parfait exemple.
  • Les dispositions relatives au signalement de violations prévues par la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces sont applicables en matière de fraude fiscale
La deuxième frontière : une limite contextuelle

La protection s’appliquera uniquement aux personnes travaillant dans le secteur privé qui ont obtenu des informations sur des violations dans un contexte professionnel, notamment :

  • Les travailleurs (y compris les fonctionnaires)
  • Les indépendants
  • Les actionnaires et membres d’organe d’administration, de direction ou de surveillance d’une entreprise (les bénévoles et les stagiaires, rémunération ou non, compris)
  • Toute personne travaillant sous la supervision et la direction de contractant, de sous-traitant et de fournisseurs

La protection s’applique en outre aux facilitateurs et au tiers qui sont en lien avec les auteurs de signalement et qui risque également de faire l’objet de représailles (dans le contexte professionnels)

ATTENTION : Que ça soit dans un contexte professionnel ou non, les personnes qui dénoncent des violations en matière de services, produits et marchés financiers ou loi anti-blanchiment pourront malgré tout bénéficier de la protection de la nouvelle directive!

N.B. :

  • La protection reste valable, même si la relation d’affaires a pris fin avant la divulgation publique.
  • La protection est également valable lorsque la relation d’affaires n’a pas encore commencé (pour les cas où l’information a été obtenue durant le recrutement, ou lors de négociations précontractuelles)
  • La protection ne s’applique pas aux personnes qui agissent auprès des services répressifs contre récompense ou indemnisation, lorsqu’elles ont été répertoriées comme informateurs (elle dispose déjà d’un système de protection propre. La nouvelle norme ne s’appliquera que si ce système est moins favorable)

Conclusion :

Au travers de ce premier article, nous avons abordé le régime de protection des « lanceurs d’alertes » uniformisé au niveau européen. Ce régime accorde une protection minimale de sorte que chaque État peut prévoir des régimes plus favorables. Après avoir lu cet article, vous savez maintenant quelles sont les personnes protégées (auteurs de signalement, facilitateurs), ainsi que les personnes faisant l’objet d’un signalement (personnes concernées). Vous connaissez également les limites dans lesquelles la loi s’applique, sur le plan matériel et contextuel.

Dans les prochains articles, nous aborderons les conditions à respecter pour bénéficier de la protection, les mesures de protection et les sanctions applicables en cas de violation de ces mesures.

Nous ferons également le point sur les procédures à mettre en place et à suivre en la matière.

Bases légales

Le législateur Européen a instauré cette protection des lanceurs d’alertes via une directive adoptée le 23 octobre 2019 : la directive UE 2019/1937 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union).

Ensuite, l’Etat belge a transposé cette directive via la loi du 28 novembre 2022 sur la protection des personnes qui signalent des violations au droit de l’Union ou au droit national constatées au sein d’une entité juridique du secteur privé.