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La mort de la déclaration spéciale ?

Le 19 octobre 2023, le législateur a publié un projet portant des dispositions fiscales diverses afin de modifier les obligations fiscales imposées aux héritiers d’une personne décédée !

Afin de bien comprendre la problématique, il conviendra, dans un premier temps, de revenir aux bases de l’impôt des personnes physiques. Ensuite, nous passerons en revue la situation légale actuelle et toutes ses conséquences. En regard de ces règles, l’administration a pris certaines libertés afin d’en faciliter leur application. Enfin, nous terminerons en expliquant les nouvelles règles qui trouveront à s’appliquer si le projet de loi aboutit.

Notions de bases de l’IPP

La notion d’habitant du royaume

Sont soumises à l’impôt des personnes physiques et doivent, par conséquent, déposer une déclaration fiscale à l’IPP, toute personne qui est soit domiciliée en Belgique, soit dont le siège des intérêts vitaux est situé en Belgique. (Notion d’habitant du royaume de l’art. 2 du CIR 92)

La notion d’annualité de l’impôt, d’exercice et de période imposable

Vous le savez, les obligations en matière fiscale concernent les revenus perçus pendant une période d’un an.

La période imposable correspond, pour les personnes physiques, à la période d’un an, débutant au 1er janvier et se terminant au 31 décembre de la même année, durant laquelle un fait (comme la perception d’un revenu, ou la survenance d’un frais) est de nature à créer un effet sur l’impôt à payer.

L’exercice d’imposition correspond, en général, à l’année suivante.

Exemple :

Lorsque vous percevez des revenus durant l’année 2023, vous devrez les déclarer dans la déclaration relative à l’exercice d’imposition 2024, année de revenu 2023.

Le cas spécifique d’une personne décédée en cours d’année !

En théorie

Une personne, cessant d’être un habitant du royaume au jour de son décès, n’est soumise à l’impôt des personnes physiques que jusqu’au jour de son décès !

Cela a pour conséquence de générer une période imposable spéciale qui débute le 1er janvier de l’année et se termine au jour du décès du contribuable. Dans ce cas-là, l’exercice d’imposition de cette période imposable spéciale correspondra à l’année de revenus.

Exemple :

Une personne décède le 10 octobre 2023.

Il y aura donc un exercice spécial du 1er janvier 2023 au 10 octobre 2023, exercice d’imposition 2023.

Dès lors, deux exercices d’impositions portant le même millésime coexisteront : le premier correspondant à l’année de revenus antérieure au décès (exercice d’imposition normal) et l’autre correspondant à l’année du décès. (Cela aura une conséquence importante – cf. infra)

Cette déclaration spéciale doit, en principe, être déposée par les héritiers du contribuable, dans un délai de 5 mois à compter de la date de décès.

Ce délai se compte jour par jour, en comptant le jour du décès lui-même. Si le terme tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié, il est reporté au premier jour ouvrable qui suit.

En pratique

En pratique, l’administration opère une tolérance administrative afin de permettre aux héritiers d’un contribuable décédé d’établir la déclaration spéciale en respectant les règles liées à un exercice normal.

L’interprétation « contra legem » de la loi par l’administration est suivie par la jurisprudence, tant cette interprétation facilite grandement les choses.

Les conséquences

Premièrement, le délai pour déposer la déclaration étant plus court (5 mois à partir de la date du décès), un grand nombre de documents nécessaires à l’établissement de la déclaration ne sont pas encore disponibles au moment où les héritiers doivent déposer la déclaration (fiche fiscale de rémunération ou relative à l’épargne-pension, ou encore à un emprunt hypothécaire). En effet, ce genre de fiches fiscales sont, en général, établies l’année suivante.

Deuxièmement, l’établissement de l’impôt est basé sur des montants et des seuils qui évoluent lors de chaque exercice d’imposition en fonction de l’indexation. Cependant, l’année du décès étant désigné par l’exercice d’imposition de la même année, la personne décédée ne pourra pas bénéficier de ladite indexation, alors qu’il aurait pu en bénéficier s’il n’était pas décédé.

C’est également ce principe qui s’applique lorsque de nouvelles dispositions fiscales entrent en vigueur. Elles sont en général applicables à partir d’un exercice d’imposition précis. Ainsi, une personne décédée pourrait perdre l’avantage d’une nouvelle disposition dont elle aurait pu bénéficier si elle n’était pas décédée.

Troisièmement, ce système pose problème lorsque des revenus obtenus avant son décès sont perçus par la succession après la date du décès, surtout au-delà du délai de 5 mois. Dans un tel cas, il doit être demandé une déclaration spéciale supplémentaire.

Quatrièmement, en principe, lorsqu’un exercice d’imposition correspond à une année de revenus inférieure à 12 mois, les montants et seuils de base de calcul permettant l’établissement de l’impôt doivent être réduits au prorata temporis. En cas de décès, quelles que soient les règles applicables (normale ou exercice spécial), ces montants ne subiront aucune limitation.

Décès d’un contribuable marié/cohabitant légal

Les couples mariés ou cohabitant légaux sont soumis à une imposition commune jusqu’au jour du décès d’un des deux membres. L’année du décès du contribuable marié ou cohabitant légal, il est, en principe nécessaire de déposer deux déclarations distinctes, une pour le conjoint survivant, et une autre pour le conjoint décédé.

N.B.

Il est possible, au travers de chacune des déclarations, d’opter pour l’application d’une imposition commune. Concrètement cela signifie que l’administration fusionnera les deux déclarations.

Il sera plus intéressant fiscalement de choisir cette option lorsque l’un des deux conjoints ne dispose que de peu de revenus afin de pouvoir bénéficier de l’application du quotient conjugal.

Dans ce cas, il ne sera pas fait application des règles relatives à l’exercice spécial.

La suppression de ce système pour les personnes décédées

Le projet de loi modifie les conditions d’assujettissement à l’IPP de sorte qu’une personne décédée y restera soumise pour l’ensemble de la période imposable de l’année du décès.

Désormais, les délais de déclaration pour l’année du décès seront entièrement alignés sur les délais normaux.

Cette modification a pour conséquence :

  • Les héritiers disposeront de plus de temps pour déposer la déclaration et seront, en principe, en possession de tous les documents nécessaires à l’établissement de la déclaration.
  • Les délais d’imposition, d’investigation et de contrôle seront plus longs.
  • Les revenus perçus après le décès et avant la fin de la période imposable seront intégrés à la déclaration.
  • Le contribuable (sa succession) pourra, si nécessaire, rester assujetti à l’IPP, aussi longtemps qu’ils continueront à percevoir des revenus relatifs à son ancienne activité.
  • Enfin, il pourra bénéficier de l’indexation des montants et seuils servant de base à l’établissement de l’impôt.

L’année précédant l’année du décès

Actuellement, les héritiers disposent d’un délai de 5 mois à compter du décès pour déposer la déclaration relative, non seulement à l’année du décès, mais également relative à l’année précédente, si le délai pour rentrer la déclaration n’est pas arrivé au terme.

Exemples :

  • Si une personne décède le 3 novembre 2023, le délai pour rentrer la déclaration de revenus 2022 est déjà terminé ; en principe elle doit déjà être déposée.
  • Si une personne décède le 5 janvier 2023, les héritiers disposent d’un délai de 5 mois à compter du 5 janvier 2023 pour déposer :
    • La déclaration des revenus de l’année 2023 (période du 01/01/2023 au 05/01/2023)
    • La déclaration de l’exercice 2023, année de revenus 2022

Avec la modification présentée dans le projet de loi, cette situation sera finie. Ainsi, désormais si une personne décède le 5 janvier 2023, les héritiers disposeront du délai normal pour déposer la déclaration :

  • Relative à l’exercice 2023, année de revenus 2022
  • Relative à l’exercice 2023, année de revenus 2023

Le projet précise également que s’il le délai pour déposer la déclaration relative l’année précédant celle du décès doit, s’il n’est pas déjà expiré, être d’au minimum 5 mois à compter de la date du décès.

L’entrée en vigueur

Si le projet de loi aboutit, qu’une loi est promulguée, alors le nouveau régime s’appliquera aux périodes imposables liées aux exercices d’imposition 2024 et suivants (en ce compris, les personnes décédées en 2023)

 

 

 

date de publication : 24-11-2023