Edito : La TVA fait le ménage : place au durable, fin du fossile - fiduciaire-finacces

Edito : La TVA fait le ménage : place au durable, fin du fossile

Le gouvernement fédéral belge a introduit, à partir de juillet 2025, plusieurs modifications importantes du régime de la TVA dans le secteur de la construction, notamment :

  1. Le taux réduit de TVA à 6 % est rendu permanent pour les opérations de démolition-reconstruction de logements (et pour la vente de logements reconstruits) sous conditions spécifiques (applicable à partir du 1er juillet 2025).
  2. À l’inverse, le taux réduit ne s’appliquera plus à certains équipements ou installations fonctionnant aux combustibles fossiles, comme les chaudières à fuel/gaz et leurs composants spécifiques (applicable à partir du 29 juillet 2025).

Vous trouverez le détail de ces mesures dans nos articles de ce mois.

D’autre part, le conseil des ministres du 14 novembre 2025 (transmis pour avis au Conseil d’Etat) a approuvé un projet d’arrêté royal réintroduisant le taux de TVA de 6 % sur la livraison et pose de pompes à chaleur pour des logements (de moins de 10 ans), qui expirait le 31 décembre 2024, et qui serait reconduit à partir du 1er janvier 2026 pour une période de 5 ans.

Mais quels sont les buts poursuivis et l’impact espéré ?

Buts poursuivis

On peut synthétiser les objectifs du gouvernement comme suit :

  • Encourager la transition énergétique et la rénovation vers des standards plus durables, en supprimant l’avantage fiscal pour les installations fossiles et en favorisant les rénovations globales.
  • Stimuler l’offre de logements rénovés ou reconstruits, notamment destinés à l’occupation propre ou à la location longue durée, en rendant plus attractif la démolition-reconstruction par rapport à la bétonisation de terrains encore vierges.
  • Soutenir la compétitivité du secteur de la construction et du logement dans un contexte de hausse des coûts, en offrant un taux réduit dès lors que les conditions sont remplies.

Impact espéré

Du fait de ces mesures, le gouvernement s’attend à plusieurs effets :

  • Une augmentation des projets de démolition-reconstruction plutôt que de simples rénovations, en raison de la TVA à 6 % pour ce type d’opération, ce qui conduirait à une accélération de la disponibilité de logements supplémentaires. Cela peut aussi conduire à un renouvellement partiel du parc de logements et à une plus grande amélioration énergétique. Il est, en effet, plus facile de donner une meilleure performance énergétique à un bâtiment à reconstruire que d’intervenir sur une construction existante.
  • Une réduction des installations ou du maintien des chaudières fossiles (ou leurs composants) car celles-ci ne peuvent plus bénéficier du taux réduit ; cela pousse vers des alternatives plus vertes (pompes à chaleur, etc.).
  • Une meilleure accessibilité financière aux logements rénovés ou reconstruits (pour les acheteurs occupants ou louant à long terme), ce qui peut favoriser la construction ou la remise sur le marché de logements plus modernes.
  • Un effet d’entraînement sur l’activité de la construction, puisque des chantiers plus importants (démolition-reconstruction) peuvent être stimulés. Cela pourrait aussi avoir un effet positif sur l’emploi dans le secteur.
  • Un alignement plus cohérent de la politique fiscale avec les objectifs climatiques et européens (European Green Deal, etc.).

La mesure de la diminution de la TVA pour la démolition-reconstruction est-elle intéressante pour l’Etat ?

L’effet budgétaire brut se traduira par une perte annuelle importante de TVA dans les caisses de l’Etat, mais celle-ci devrait être compensée de manière toute aussi importante via d’autres recettes fiscales et parafiscales.

En prenant en compte les recettes fiscales (impôts sur sociétés/personnes) et parafiscales (ONSS), les droits d’enregistrement et le précompte immobilier, générés par l’accroissement d’activités, cette réduction de la TVA pourrait conduire à un solde budgétaire neutre ou faiblement positif.

Cependant, une partie de ces effets retours bénéficieraient aux Régions et aux Communes, alors que la TVA reste une compétence fédérale.

Incohérence de certaines mesures

Depuis le 1er avril 2023, le taux de TVA sur le gaz et l’électricité a été réduit à 6 % au lieu de 21 % de façon permanente (après la mesure temporaire appliquée durant la crise énergétique de 2022). Cette baisse de taux fait suite à une réforme des accises diminuant l’impact sur la fluctuation des prix.

Cette mesure permet donc aux ménages à moindre revenus de se chauffer plus facilement.

Cependant, une incohérence s’est établie entre, d’une part, le découragement à installer des nouvelles chaudières au gaz et, d’autre part, l’encouragement à consommer du gaz.

Toutefois, cette semaine, le gouvernement fédéral, dans le cadre des discussions budgétaires, a augmenté, non pas la TVA, mais bien les accises sur le gaz. Ce ne sera certainement pas la dernière mesure de découragement à l’utilisation de ce combustible, étant donné que la règlementation européenne impose de porter la TVA sur le gaz au taux standard d’ici 2030, soit à 21 % pour la Belgique.

La Belgique procède donc à une augmentation par paliers pour mieux faire passer la pilule auprès des consommateurs.

Cette augmentation du taux de TVA sur le gaz aura au moins le mérite de rendre cohérente la mesure d’augmentation de celui sur les chaudières.

En conclusion

La TVA joue au « yoyo » pour valider ses choix vers la transition énergétique que l’Europe impose à ses membres.

Si c’est louable d’un point de vue écologique, ce l’est moins d’un point de vue social, car les ménages à moindres revenus n’ont pas souvent le choix du type de chauffage utilisé et devront faire face à la hausse des taxes sur leurs factures énergétiques.

C’est également dommageable pour la confiance des citoyens envers le monde politique, qui ne cesse de modifier les règles du jeu en permanence.

En définitive, une transition énergétique crédible ne pourra s’imposer que si elle s’accompagne d’une fiscalité cohérente et durable, faute de quoi le “yoyo” de la TVA continuera d’éroder la confiance citoyenne et d’alourdir les inégalités.

 

Philippe Lemaire
Administrateur FINACCES

Publication : 26-11-2025