Edito : La fiscalité verte nuit-elle à la compétitivité des entreprises ?
Dans cette newsletter, deux articles sont consacrés à des mesures visant à inciter les réductions d’émissions carbone (TVA sur les chaudières à combustion fossile et réforme de la taxe de mise en circulation des voitures en région wallonne).
En effet, de plus en plus de dispositions fiscales sont prises par rapport aux changements climatiques pour inviter les citoyens et les entreprises à modifier leurs comportements jugés trop polluants.
Ces mesures s’inscrivent dans un contexte européen qui obligent les Etats membres à respecter des objectifs de réduction des gaz à effet de serre.
Contexte européen
Toutes les mesures climatiques prises par la Belgique s’inscrivent dans le cadre des objectifs européens.
Au niveau de l’Union européenne, le secteur du bâtiment représente environ 40 % de la consommation énergétique et 36 % des émissions de CO₂.
Réduire l’empreinte carbone du parc immobilier européen est donc un pilier central de l’ambition de neutralité carbone à l’horizon 2050.
-
Le paquet législatif « FIT FOR 55 » !
Le paquet “Fit for 55” est un ensemble de réformes législatives européennes adopté pour atteindre une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 1990.
Il comprend plusieurs textes majeurs qui touchent directement le secteur du bâtiment, notamment :
-
- La directive sur la performance énergétique des bâtiments (EPBD)
- La révision du système d’échange de quotas d’émission (EU ETS)
-
La directive EPBD (Energy Performance of Buildings Directive)
Initialement adoptée en 2002, la directive EPBD a été plusieurs fois révisée pour accélérer la décarbonation complète du parc immobilier européen d’ici 2050. Elle vise à :
-
- Réduire la consommation énergétique,
- Diminuer les factures d’énergie des citoyens,
- Améliorer la qualité et la durabilité des bâtiments.
Le délai de transposition de la dernière version est fixé au 26 mai 2026.
Concernant les chaudières à combustibles fossiles, la directive impose :
-
- La fin des aides publiques pour leur installation à partir du 1er janvier 2025,
- L’interdiction de leur installation dans les bâtiments neufs dès 2030.
-
Le système d’échange de quotas d’émission (EU ETS).
Le système EU ETS fonctionne sur un principe de “pollueur-payeur”.
L’UE fixe un plafond global d’émissions de CO₂ pour certains secteurs. Ce plafond est ensuite converti en quotas d’émission (1 quota = 1 tonne de CO₂) qui peuvent être achetés, vendus ou échangés.
Dans le cadre du nouvel ETS 2 (qui couvrira les bâtiments et le transport routier à partir de 2027), ce sont les fournisseurs de combustibles fossiles (comme le gaz ou le mazout) qui devront acheter des quotas proportionnels à la quantité de CO₂ émise par les produits qu’ils mettent sur le marché.
-
- Quel impact pour le consommateur ?
Le prix des quotas sera répercuté dans le prix final des combustibles. Ainsi :
-
- Les énergies fossiles deviendront progressivement plus chères,
- Tandis que les énergies renouvelables, moins soumises à ces contraintes, deviendront plus compétitives.
La Belgique ne décide pas toute seule!
L’objectif est clair : inciter les ménages à rénover leur logement et à passer à des solutions de chauffage plus propres et plus efficaces.
D’autres mesures existent, notamment en matière d’émissions de CO2 des véhicules neufs que doivent respecter les acteurs de l’industrie automobile.
Des adaptations seront encore prévues dans ces législations européennes. Ce sera notamment le cas dans la fixation d’un cap intermédiaire en 2040 par rapport aux objectifs déjà connus pour 2030 (réduction de 55 % des gaz à effet de serre par rapport à 1990) et 2050 (neutralité carbone). La communication de ces objectifs est toujours en attente, mais la commission européenne avait recommandé une réduction de 90 % des GES en 2040.
Nous n’avons ici qu’effleuré l’ampleur de la réglementation européenne dans le domaine du climat.
Mais il était important de rappeler que la Belgique n’agit pas seule : elle applique des objectifs européens contraignants, souvent avec peu de marge de manœuvre.
Se pose cependant la question de savoir si ces mesures ne sont pas trop ambitieuses sans qu’elles puissent nuire à l’économie européenne face aux grandes puissances que sont les Etats-Unis ou la Chine qui ne s’engagent pas au même niveau (pour ne pas dire pas du tout), afin de faire face au dérèglement climatique.
Il est donc crucial de trouver un équilibre afin que ces initiatives ne compromettent pas la compétitivité de nos entreprises européennes, en envisageant des pistes telles qu’une évaluation régulière de l’impact des mesures sur l’économie tout en ajustant les stratégies en conséquence, un encouragement de la coopération internationale pour une approche plus unifiée et équitable, et une promotion des innovations technologiques vertes pour soutenir la transition écologique sans perdre en compétitivité.
Espérons que l’union européenne tiendra compte de ces aspects pour ne pas mettre en péril notre économie.
Philippe Lemaire
Administrateur Finacces
En collaboration avec Frederic-Alexandre Chapelle
Publication : 28/05/2025