Airbnb et fiscalité en Belgique : que devez-vous déclarer ?
Mettre son bien en location sur Airbnb peut sembler simple, voire anodin. Pourtant, dès qu’il est question de fiscalité, les choses se compliquent rapidement. TVA, impôt sur les revenus, cotisations sociales… La location de courte durée soulève en Belgique de nombreuses questions, souvent sources de confusion.
Faut-il déclarer ces revenus ? Et si oui, comment les déclarer correctement ?
Cet article propose un tour d’horizon clair et structuré des règles fiscales applicables en Belgique, afin de vous aider à identifier précisément ce que vous devez — vraiment — déclarer, et dans quel cadre.
Distinction importante : impôt vs TVA
Il est essentiel de distinguer deux notions fiscales totalement indépendantes l’une de l’autre :
- La taxation à l’impôt sur le revenu
- L’assujettissement à la TVA
Il s’agit de deux impôts différents : Une activité peut être soumise à la TVA sans pour autant être considérée comme professionnelle au regard de l’impôt sur les revenus, et inversement.
L’assujettissement à la TVA
En Belgique, la location d’un immeuble pour une durée inférieure à trois mois est exonérée de TVA, à condition de ne pas fournir certains services connexes.
L’exonération est maintenue si le bailleur ne propose aucun des services suivants :
- Accueil physique ou présence d’une réception
- Mise à disposition de linge de maison avec remplacement hebdomadaire (si la location dépasse une semaine)
- Fourniture quotidienne du petit-déjeuner
Dès qu’un seul de ces services est proposé, la location devient obligatoirement soumise à la TVA.
Base légale : Art 44, §3, 2°, a, 3e tiret du code TVA
Dans ce cas :
- Le bailleur devra s’immatriculer à la TVA et obtenir un numéro d’entreprise ;
- Il devra introduire des déclarations TVA mensuelles ou trimestrielles, selon les seuils ;
- Il pourra récupérer la TVA sur ses charges professionnelles liées à l’activité (entretien, fournitures, frais de gestion…).
L’impôt sur le revenu
Le traitement fiscal des loyers perçus dépend du statut du propriétaire et de l’affectation de l’immeuble.
1. Si le bien est détenu par une société
Lorsque le bien est détenu via une société, les loyers perçus sont soumis à l’impôt des sociétés, au taux :
- De 25 % (taux ordinaire), où
- De 20 % sur la première tranche de 100 000 € si la société remplit les conditions du taux réduit.
2. Si le bien est détenu par une personne physique
En principe, les loyers issus d’une location de courte durée (type Airbnb) sont considérés comme des :
- Revenus immobiliers, et
- Revenus mobiliers, si le bien est meublé.
- Revenus divers provenant de la fourniture de services
Revenus immobiliers
Lorsqu’un immeuble est mis en location et utilisé comme logement par le locataire, l’imposition repose sur son revenu cadastral (RC) indexé, augmenté forfaitairement de 40 %.
Base légale : Article 7 du CIR 92
Exemple :
- Revenu cadastral non indexé : 500 €
- Coefficient d’indexation (revenus 2024) : 2,2446
- Revenu imposable = 500 × 2,2446 × 1,4 = 1 570,80 €
À noter : ce montant est distinct du précompte immobilier, une taxe régionale également calculée sur base du RC.
Revenus mobiliers
Si le logement est meublé et que la convention ne précise rien, la législation présume que 40 % du loyer correspond à la location des meubles.
Ce revenu mobilier bénéficie d’un forfait de frais déductibles de 50 % et est imposé distinctement à 30 % !
Base légale : Article 17 §1er, 3° du CIR 92 et article 4,2°,b de l’AR/CIR92
Exemple :
- Loyer total perçu : 12 000 €
- Part mobilier (40 %) = 4 800 €
- Déduction forfaitaire (50 %) = 2 400 €
- Base imposable distinctement = 2 400 €
Revenus divers
La fourniture de certains services accessoires aux hôtes (accueil physique, petit-déjeuner, fourniture et remplacement de linge…) peut faire perdre à la location son caractère strictement passif.
À défaut de requalification immédiate en activité professionnelle, l’administration considère alors que les revenus issus de ces services constituent des revenus divers, au sens de l’article 90, alinéa 1er, 1° du CIR 92.
Ces revenus sont imposés distinctement au taux de 33 % (article 171, 1°, a)).
Champ d’application des revenus divers
Pour qu’une quote-part des loyers soit requalifiée en revenus divers, les services fournis doivent dépasser la simple gestion normale d’un patrimoine privé.
Ainsi, n’entrent pas dans cette catégorie les prestations que réaliserait un propriétaire normalement prudent pour l’entretien de son bien (ex. : nettoyage entre deux locations, gestion des clés via une boîte sécurisée, réponse à quelques messages).
En revanche, sont généralement considérés comme des services excédentaires :
- Accueil physique des hôtes
- Fourniture quotidienne ou régulière de petit-déjeuner
- Mise à disposition et remplacement fréquent de linge
- Organisation du séjour (services à la carte, etc.)
Évaluation forfaitaire : 20 % du loyer
Lorsque les services fournis sont avérés mais que la convention de location ne prévoit aucune ventilation entre la part « hébergement » et la part « services », l’administration applique un forfait de 20 % du loyer pour estimer la part imposable en tant que revenu divers.
Ce forfait n’est qu’une présomption administrative. Si une autre répartition (plus ou moins favorable) est établie dans le contrat ou démontrée par les faits, elle prévaudra.
NB : Une ventilation très détaillée des services (via options à cocher sur le site, suppléments tarifés, devis précis, etc.) peut indiquer l’existence d’une organisation structurée, renforçant le risque que l’activité soit requalifiée en activité professionnelle (voir point suivant).
Déductibilité des frais réels
Les 20 % évalués forfaitairement représentent un revenu brut. Il est toutefois possible d’en déduire les frais spécifiques relatifs à la fourniture des services, pour autant qu’ils soient justifiés par des documents probants.
Exemples de frais déductibles :
- Rémunération de personnel d’accueil ou de nettoyage
- Coûts d’un service externe (conciergerie, blanchisserie)
- Achat de produits alimentaires pour les petits-déjeuners
- Frais de gestion liés à la plateforme ou à l’organisation
Et si l’activité devient professionnelle ?
Pour que les loyers (revenus immobiliers, mobiliers et divers) soient requalifiés en revenus professionnels en vertu de l’article 37 du CIR 92, l’immeuble doit être effectivement utilisé dans le cadre d’une activité professionnelle !
Encore faut-il pouvoir démontrer l’existence d’une activité professionnelle au sens fiscal du terme.
Quand parle-t-on d’une activité professionnelle ?
Il n’existe pas de définition légale précise de la notion “d’activité professionnelle”.
La jurisprudence (Cass., 2 septembre 1969) retient qu’il s’agit d’un « ensemble d’opérations suffisamment fréquentes, liées entre elles, constituant une occupation continue et habituelle ».
L’administration fiscale examine plusieurs critères factuels :
- Existence d’un but de lucre (recherche de profit)
- Fréquence des opérations
- Répétitivité ou caractère occasionnel
- Mise en place ou non d’une organisation structurée
Exemple 1 : peu de risque de requalification
- Vous louez une seule chambre dans votre habitation principale
- L’activité est secondaire (complémentaire à votre emploi salarié)
- Aucun service accessoire n’est fourni
- L’activité passe exclusivement par une plateforme (pas d’organisation propre)
Conclusion : peu de risques de voir l’activité considérée comme professionnelle
Exemple 2 : forte probabilité de requalification
- Vous n’avez aucune autre activité professionnelle
- Vous possédez plusieurs immeubles destinés à la location courte durée
- Vous utilisez des outils dédiés (logiciels, personnel, services externes)
- L’activité est soumise à TVA
- Vous optimisez activement votre patrimoine immobilier
- Le fait de proposer des services détaillés dans la convention, ou via un système d’options tarifées par service, renforce l’idée d’une organisation structurée — un indice fort d’activité professionnelle.
Conclusion : activité susceptible d’être requalifiée comme professionnelle
NB : Le montant des revenus générés, à lui seul, ne suffit pas à qualifier une activité de professionnelle.
Conséquences de la requalification en activité professionnelle
Si l’activité est requalifiée :
-
- Le propriétaire est considéré comme travailleur indépendant (activité principale ou complémentaire selon la situation)
- Il devra s’inscrire auprès d’une caisse d’assurances sociales
- Il sera tenu de payer des cotisations sociales trimestrielles
- Tous les loyers perçus sont imposés comme revenus professionnels
(barème progressif de l’impôt des personnes physiques)
Des frais professionnels réels peuvent être déduits, à condition de pouvoir les justifier.
Comparatif chiffré :
- Loyer perçu : 12 000 €
- Charges professionnelles considérées : 5 000 €
Si l’activité n’est pas professionnelle :
- Base imposable :
- 1 570,80 € (immobilier) imposable globalement
- 2 400 € (mobilier) imposable distinctement à 30%
Si l’activité est professionnelle :
- Base imposable
- 12 000 € – 5 000 € = 7 000 € (professionnel) imposable globalement
- + Cotisations sociales à payer
Conclusion
La location de courte durée via Airbnb peut sembler attrayante et flexible, mais elle n’échappe pas à la complexité du droit fiscal belge. TVA, revenus immobiliers, mobiliers ou professionnels : le régime fiscal applicable dépend étroitement de la manière dont l’activité est exercée.
Il est donc essentiel de :
- Distinguer correctement les règles liées à la TVA et celles liées à l’impôt sur les revenus,
- Évaluer factuellement si votre activité relève ou non d’une occupation professionnelle,
- Et, le cas échéant, se conformer aux obligations sociales en tant qu’indépendant.
NB : Une mauvaise qualification peut entraîner un redressement fiscal, avec rectification d’impôt sur le revenu, TVA, cotisations sociales… et pénalités et accroissements. D’autant plus que, depuis 2021, les plateformes collaboratives comme Airbnb transmettent automatiquement vos revenus locatifs à l’administration fiscale belge. Il est donc d’autant plus important de veiller à une déclaration correcte et cohérente.
En cas de doute, il est vivement recommandé de consulter un professionnel (expert-comptable ou conseiller fiscal) pour analyser votre situation spécifique et éviter toute mauvaise surprise.
date de publication : 30/06/2025