Outre les règles écrites, un certain nombre de principes généraux sont également importants dans le cadre de l’application du droit, en particulier le principe de légalité de l’impôt prévu dans l’article 170 de la Constitution belge. L’objectif étant qu’un impôt ne pourra être prélevé que si ses éléments essentiels ont été déterminés et votés par une Assemblée élue par le peuple.
La législation fiscale est donc d’ordre public et de stricte application. Vu que ces dispositions cherchent à protéger l’intérêt général, personne ne peut y déroger et les lois doivent s’appliquer telles qu’elles sont écrites, elles ne peuvent en aucun cas s’interpréter de manière large.
«les lois d’impôt s’imposent à tous, à commencer par l’administration fiscale elle-même »[1].
Dans l’application de ces lois, dans son comportement ainsi qu’en toutes circonstances, l’administration est tenue d’agir conformément aux principes de bonne administration. Cela veut dire que ses actions doivent être diligentes, raisonnables et légales.
Le principe de bonne administration comprend une série d’autres principes :
Il est parfois difficile de concilier l’application de tous ces principes, qui peuvent se montrer parfois contradictoires.
Par exemple, un contribuable peut profiter d’un avantage en agissant contra legem, lorsqu’il exécute les instructions données par l’administration, en raison de la confiance placée dans ses connaissances et du poids de ses décisions. Sur base du principe de sécurité juridique, le contribuable peut comprendre qu’il faut appliquer ces mêmes instructions dans l’avenir.
Cependant, le principe de légalité prévaut car « L’administration fiscale doit appliquer la loi et n’est pas libre de renoncer à établir l’impôt légalement dû »[4]. Cela veut dire que le contribuable ne peut pas se prévaloir d’une attitude antérieure si celle-ci est basée sur une décision contra legem.
Exceptionnellement, le principe de sécurité juridique prévaut sur le principe de légalité. Notamment, dans le cas où le contribuable a agi sur la base des décisions de l’administration, croyant que les informations étaient correctes. Le contribuable doit démontrer qu’il s’est adapté à ces informations pour prendre sa décision, ce qui signifie qu’une option alternative réaliste était disponible. Par conséquent, le principe de sécurité juridique prévaut quand le contribuable aurait pu choisir une autre solution s’il n’avait pas eu connaissance des informations octroyées par l’Administration.
Ce raisonnement a été repris par la Cour d’appel de Gand[5] qui devait se prononcer sur le cas d’un Belge, qui travaillait en faisant le tour du monde sur un yacht privé appartenant à une société floridienne et sous pavillon des îles Caïmans. L’Administration avait d’abord informé le contribuable que sa rémunération devait être imposée aux îles Caïmans et que, compte tenu de l’existence d’une convention de double imposition conclue avec le Royaume-Uni, la rémunération devait être exonérée en Belgique. Il convient de rappeler que l’exonération s’applique lorsque les revenus ont déjà été imposés dans le pays source de revenus, cependant, aux îles Caïmans les revenus ne sont pas imposables.
Par conséquent, lorsque l’administration a eu connaissance de cette situation irrégulière, elle a réclamé au contribuable l’imposition en Belgique et obtient gain de cause.
Le contribuable revendiquait l’application du principe de sécurité juridique, mais la Cour de Gand l’a rejeté, considérant que le contribuable aurait pu se rendre compte de l’erreur, puisqu’il ne payait des impôts dans aucun État et qu’il aurait difficilement pu se trouver dans une situation aussi favorable que celle revendiquée. Ainsi, la Cour considère qu’il est difficilement concevable qu’un résident belge puisse s’abstenir de payer des impôts sur les revenus n’importe où dans le monde.
Autrement dit, le contribuable devait savoir que l’administration se trompait dans la mesure où ses revenus ne subissaient aucun impôt. Le contribuable n’avait pas d’autre choix que d’être imposé en Belgique. L’application du principe de sécurité juridique ne peut donc pas avoir la priorité sur l’application du principe de légalité.
La position adoptée par l’Administration doit être réfléchie et mûrie, autrement, ses actions peuvent induire le contribuable à la confusion, qui peut en venir à considérer que les actions menées sont celles légalement prévues ou même, sachant que les revendications soutenues par l’Administration sont contra legem, renoncer à l’application de son droit par crainte de représailles.
La loi est faite pour être respectée tant par le contribuable que par l’administration. C’est la raison pour laquelle disposer d’une équipe de professionnels formés, capables de guider les contribuables est essentiel dans nos jours.
[1] Cass., 20 janvier 1941, Pas. 1941, I, 13.
[2] Arrêt du 27 mars 1992 Cour de Cassation, Rôle 6891, ECLI:BE:CASS:1992:ARR.19920327.8
[3] D. Renders, « Origine et contours des principes de bonne administration en droit belge », Revue française de droit administratif, 2012.
[4] Arrêt du 30 mai 2008 de la Cour de cassation, Rôle F.06.0083.F
[5] Arrêt du 21 mars 2023 de la Cour d’appel de Gand, Rôle n° 2021/AR/2071
S. Van Garsse et Y. Marique « La motivation des actes administratifs en droit belge », 2019, Open Edition journals. https://journals.openedition.org/crdf/3710#bodyftn3
Date de publication : 25-03-2024
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