Le 1er février 2024 la Chambre a approuvé la loi « portant le livre 6 “La responsabilité extracontractuelle du Code civil »[1], régie jusqu’à présent par seulement six articles, ce qui offrait une grande liberté d’interprétation aux juges des Cours et Tribunaux.
Cette nouvelle loi apporte, notamment, des modifications sur l’application du concours des responsabilités contractuelle et extracontractuelle, tant à l’égard des personnes physiques, que des personnes morales, et sur la quasi-immunité des agents d’exécution. Ceci a un impact sur le traitement de la responsabilité des professionnels de la fiscalité qui travaillent en qualité d’administrateurs ou de salariés.
La date d’entrée en vigueur du Livre 6 est actuellement inconnue, mais devrait probablement entrer en application à partir du 1er janvier 2025.
La responsabilité contractuelle, contrairement à la responsabilité extracontractuelle, découle de la violation d’une obligation en vertu d’un contrat signé par les deux parties. Alors que la responsabilité extracontractuelle peut concerner deux étrangers et s’appliquer sur un manquement des normes, de prudence ou de diligence, dont le respect s’impose à tous.
L’idée selon laquelle les parties qui concluent un contrat expriment ainsi une volonté implicite d’écarter les règles de la responsabilité extracontractuelle a été abandonnée. Au contraire, le principe a été inversé et la personne lésée est autorisée à choisir laquelle des deux bases juridiques elle entend utiliser pour fonder son action en dommages-intérêts.
Toutefois, dans le cas où la partie lésée intente une action extracontractuelle contre son cocontractant, ce dernier pourra toujours invoquer comme moyen de défense la législation relative aux contrats spéciaux, les clauses contractuelles ou encore les règles de prescription applicables.
Pour que la responsabilité extracontractuelle d’une personne soit engagée, il faut nécessairement prouver l’existence d’un dommage, d’une faute et d’un lien de causalité entre les deux. La loi précise et encadre ces notions, et procède lorsque c’est possible, à un allègement du fardeau de la preuve, pour la ”victime“.
L’agent d’exécution[2] est une personne physique ou morale qui est chargé par le débiteur d’une obligation contractuelle de l’exécution totale ou partielle de cette obligation. Donc, il s’agit d’un tiers dans la relation contractuelle.
Actuellement, la responsabilité extracontractuelle d’un agent d’exécution à l’égard de la partie contractante de son donneur d’ordre est limitée, sauf si la faute est qualifiée d’infraction.
La quasi-immunité de l’agent d’exécution ne signifie pas que ce dernier n’est jamais tenu responsable, mais que chaque partie doit se retourner contre la personne avec laquelle a établi une relation contractuelle, en appliquant les dispositions contractuelles prévues.
La nouvelle législation supprime la quasi-immunité de l’agent d’exécution. La partie contractante (un client, par exemple) pourra donc intenter une action en responsabilité extracontractuelle à l’encontre de l’agent d’exécution directement (administrateur- mandataire, sous-traitant ou encore employé du donneur d’ordre).
Ainsi, l’article 6.3 du nouveau Code Civil établi que :
« § 2. Sauf si la loi ou le contrat en dispose autrement, les dispositions légales en matière de responsabilité extracontractuelle sont applicables entre la personne lésée (partie contractante) et l’auxiliaire (agent d’exécution) de ses cocontractants (donneur d’ordre)».
Ainsi, dans l’hypothèse où le client souhaite obtenir réparation à l’encontre d’un donneur d’ordre insolvable, il aura la possibilité d’agir en responsabilité extracontractuelle à l’encontre de l’agent exécutant.
L’application de la responsabilité sur les actions entreprises par l’agent d’exécution dépend de sa qualité d’administrateur, de sous-traitant ou d’employé, au sein de l’entreprise.
Pour les travailleurs salariés la responsabilité se trouve limitée par la loi relative aux contrats de travail. Ainsi, « en cas de dommages causés par le travailleur à l’employeur ou à des tiers dans l’exécution de son contrat, le travailleur ne répond que de son dol et de sa faute lourde »[3], ainsi que de sa « faute légère » ayant un caractère répété. Dans tous les cas, le travailleur pourra appliquer toute exception prévue dans les contrats signés avec le donneur d’ordre et entre celui-ci et la personne lésée.
Dans l’éventualité où la personne lésée demande à l’auxiliaire (l’agent d’exécution) de son cocontractant la réparation du dommage causé dû à l’inexécution d’une obligation contractuelle, ce dernier peut invoquer les moyens de défenses légaux et contractuels provenant des deux relations contractuelles.
C’est-à-dire, l’agent d’exécution bénéficie des limites établies avec le donneur d’ordres mais aussi des limites convenues entre ce dernier et la personne lésée, sauf en cas de faute intentionnelle ainsi que du dommage physique ou psychique.
Avec cet article nous attirons l’attention sur les changements du droit de la responsabilité extracontractuelle et sur l’impact que cela peut avoir dans le cadre d’une relation de travail. Toutefois, il n’y a pas lieu de s’alarmer, car la loi n’est pas encore entrée en vigueur et des modifications interprétatives pourraient encore être apportées.
L’objectif de ces modifications législatives réside dans la volonté du législateur, d’un côté, de réformer les dispositions relatives à la responsabilité extracontractuelle en fonction des évolutions économiques et sociales intervenues depuis 1804 et, d’un autre côté, de stabiliser les dispositions légales sur la responsabilité qui ont été largement construits sur base de la jurisprudence. Cependant il existe un certain nombre de zones d’ombre qui rendent son interprétation difficile dans l’application qui en sera faite et donc, le rôle de la jurisprudence restera essentiel.
Cette loi soulève deux questions problématiques :
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https://www.lachambre.be/FLWB/PDF/55/3213/55K3213012.pdf
https://www.lachambre.be/FLWB/PDF/55/3213/55K3213001.pdf
[1] Proposition de Loi portant le livre 6 “La responsabilité extracontractuelle” du Code civil. Doc. Parl. Chambre, 2023-2024, nº 55-3213/012.
[2] Arrêt de la Cour de Cassation du 07 février 2020, num Rôle C.19.0308.F et Arrêt du 24 mars 2016 de la Cour de Cassation, num Rôle C.14.0329.N.
[3] Art. 18 Loi du 03 juillet 1978 relative aux contrats de travail.
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