Cette semaine, nous souhaitons vous parler d’un sujet revenu à la mode dernièrement qui a fait l’objet de vive controverse : les revenus de droits d’auteur et de droit voisin !
Ces revenus (nets) bénéficiaient, en Belgique, d’un régime favorable dans la mesure où ils étaient taxés à 15% à moins qu’ils ne soient perçus dans le cadre d’une activité professionnelle et que les revenus générés soit supérieurs à 64 070 €.
Ayant déjà abordé cet « ancien » régime au travers d’un précédent article, nous vous invitons à en prendre connaissance avant de continuer votre lecture (en cliquant ici).
Suite à la publication de la Loi-programme du 26 décembre 2022 publiée au Moniteur le 30/12/2022, plusieurs changements, applicables à partir du 1er janvier 2023, ont été apportés.
En réformant la fiscalité des revenus provenant de droit d’auteur et de droit voisins, le législateur poursuit deux objectifs :
D’un côté, le législateur a l’intention d’adoucir l’imposition des revenus perçus par l’artiste en période de succès par rapport aux maigres revenus perçus en période de création, car il s’agit d’un domaine caractérisé par des revenus irréguliers et aléatoires dépendant du nécessaire processus de création, de la mode et du succès.
D’un autre côté, le législateur voudrait s’assurer que ce régime ne profite réellement qu’aux personnes soumises aux risques de créativités, à caractère prototypique inhérent aux produits et prestations artistiques et aux risques liés aux aléas du succès et de la mode.
C’est pourquoi il va définir clairement et simplement les revenus auxquelles s’appliquera ce régime, sans aucune considération de la personne qui perçoit les revenus.
Le droit d’auteur comporte les droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux.
Ce droit moral (de paternité) ne peut jamais être cédé.
Afin de définir les revenus auxquelles vont s’appliquer le régime, la nouvelle loi fait référence au code de droit économique (CDE), et plus particulièrement à aux articles qui définissent les droits d’auteurs et droits voisins (titre V du livre XI : art. XI.165 CDE à XI.293 CDE).
Le code de droit économique, via d’autres articles, assimile d’autres éléments à des biens pouvant bénéficier de la protection des droits d’auteurs et droits voisins (comme les logiciels et bases de données).
Oui mais voilà ! la nouvelle loi, elle, ne fait pas référence à ces autres articles. Cela signifie qu’en vertu du principe mentionné ci-dessus, les éléments qui ne sont pas mentionnés dans les articles du CDE référencés dans la nouvelle loi, sont exclus du régime favorable.
En effet, selon le principe de primauté du droit général sur le droit fiscal, on applique le droit général par priorité au droit fiscal, à moins que ce dernier n’y déroge expressément.
Or, dans ce cas-ci, le législateur a décidé que le régime fiscal favorable applicable aux revenus de droits d’auteur et droit voisins ne s’appliquerait pas à l’ensemble des œuvres protégées par les droits d’auteurs, mais qu’à une partie d’entre elles.
Autrement dit, les revenus provenant de certains secteurs (exemple : le secteur IT) ne pourront plus bénéficier du régime fiscal favorable des revenus de droit d’auteur et de droit voisins !
ATTENTION :
Les œuvres visées par l’exclusion restent protégées par les droits d’auteur, en vertu du code de droit économique. Cependant, les revenus issus de ces œuvres ne pourront simplement pas bénéficier du régime favorable accordé aux revenus de droit d’auteur !
Conformément à l’article XI.165 CDE, il s’agit du droit de reproduction ou d’autorisation à la reproduction que possède l’auteur d’une œuvre littéraire ou artistique. Le droit d’auteur est applicable sur des rédactions de textes, de créations visuelles ou musicales, de sites web ou des publicités, entre autres.
Concrètement, les œuvres concernés par le régime sont les œuvres littéraires ou artistiques originales et prestations d’artistes-interprètes ou exécutant.
Par principe, aucune profession spécifique exercée par le contribuable ne sera de nature à exclure les revenus provenant d’un œuvre protégé par les droits d’auteur et visée par la nouvelle loi de bénéficier du régime favorable.
Dans le but de promouvoir l’égalité, le législateur entend protéger les artistes et leurs créations qui sont soumis à des risques tels que la créativité, les revenus intermittents ou la notoriété de leurs créations. Ainsi, à cette fin, la réforme a délimité les œuvres qui peuvent bénéficier de cet avantage.
Cependant, il reste important de rappeler la législation internationale et européenne qui fait référence aux créations de l’esprit relevant du « domaine littéraire, scientifique et artistique. En effet, la convention de berne (1886/1971) établit que les termes œuvres littéraires et artistiques comprennent « toutes les productions du domaine littéraires, scientifiques et artistiques ». La convention de berne établit également une liste non exhaustive des œuvres protégées.
Enfin, la jurisprudence établit trois critères importants pour déterminer les œuvres qui sont protégées par le régime du droit d’auteur:
La protection ne concerne pas les idées, mais l’expression d’une création intellectuelle qui la rend identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivités.
Il doit s’agir de l’expression d’une création intellectuelle (CJUE, LEVOLA HENGELO, C-310/17, §37) qui la rend identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité, quand bien même cette expression ne serait pas permanente.
Exclusion : les idées, les procédures, les méthodes de fonctionnement ou les concepts mathématiques, en tant que tels.
Ce terme est défini par la jurisprudence comme une « création intellectuelle propre à son auteur ».
Autrement dit, l’auteur doit pouvoir effectuer des choix libres et créatifs de plusieurs manières et à différents moments lors de la réalisation de l’œuvre.
Il doit y avoir une marge créative.
Exemple :
Une photographie de portrait est originale en ce sens que l’auteur peut effectuer son choix libre et créatif de plusieurs manières et à différents moments lors de la réalisation (expression faciale, fond, la position du sujet, etc.)
Une combinaison originale d’éléments non originaux peut être protégée.
La jurisprudence établit, à travers l’arrêt Brompton, que lorsqu’un objet n’a été déterminé exclusivement que par des considérations techniques, des règles ou d’autres contraintes qui ne laissent pas la place à l’exercice de la créativité de l’auteur, l’objet ne pourra pas bénéficier de la protection conférée par le droit d’auteur.
Cependant, cela ne veut pas dire qu’une œuvre de nature technique ne peut pas bénéficier du régime des Droits d’Auteur.
En effet, si l’auteur n’a pas été empêché de manifester sa personnalité et sa créativité, la création peut être qualifiée d’œuvre et donc, bénéficier du régime spécial.
La preuve du caractère original et de la mise en forme effective d’une œuvre doit être apportée par l’auteur.
ATTENTION :
À noter que le projet de loi précise qu’en matière d’appréciation de l’existence d’une œuvre protégée ou non, tant le juge fiscal que l’administration fiscale, peuvent, dans le cadre de l’application de l’article 17 §1er, 5° du CIR 92, se prononcer sur l’existence d’une œuvre protégée par la législation relative au droit d’auteur (Arrêt du 30/10/2018 de la Cour d’Appel de Gand)
Le sujet relatif à la réforme du régime fiscal applicable aux revenus de droits d’auteur a été traité au travers de deux articles.
Pour consulter la seconde partie, cliquez ici
Si vous avez besoin de plus d’informations, n’hésitez pas à nous contacter : 071/15.93.90.
L’article vous a plu ? Vous voulez faire partie de l’équipe ? Consultez nos offres ici : https://www.linkedin.com/jobs/view/3495358584